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C.H.I.P. : l’histoire d’un ordinateur à 9 dollars qui a séduit puis déçu

Article publié le 13 novembre 2016

Itamde est également une école de programmation en ligne.

L’histoire du C.H.I.P. ressemble à ces contes modernes où l’enthousiasme initial cède progressivement la place à la désillusion. Cet ordinateur miniature promettait de démocratiser l’informatique embarquée avec un prix défiant toute concurrence. Des milliers de makers et de passionnés ont cru en cette vision, investissant leur argent et leur confiance dans ce projet ambitieux. Pourtant, derrière les promesses alléchantes se cachait une réalité industrielle implacable qui allait transformer ce rêve technologique en cauchemar logistique.

Comment le C.H.I.P. a conquis la communauté des makers

En mai 2015, la société californienne Next Thing Co. lançait une campagne Kickstarter audacieuse pour financer le C.H.I.P., présenté comme le premier ordinateur au monde à 9 dollars. L’objectif initial fixé à 50 000 dollars fut pulvérisé en quelques heures. La campagne se conclut finalement avec près de 40 000 contributeurs ayant collectivement investi plus de deux millions de dollars. Ces chiffres astronomiques témoignaient d’une attente considérable de la part de la communauté.

Le C.H.I.P. séduisait par son rapport qualité-prix inédit. Pour moins de dix dollars, les futurs propriétaires obtenaient une carte de la taille d’une carte de crédit équipée d’un processeur ARM Cortex-A8 cadencé à 1 GHz, accompagné de 512 Mo de mémoire RAM et de 4 Go de stockage flash. La connectivité WiFi et Bluetooth était incluse d’office, éliminant le besoin de dongles externes encombrants. Cette configuration technique permettait de faire tourner une distribution Linux complète, ouvrant des possibilités d’utilisation quasiment illimitées.

La philosophie open source du projet renforçait encore son attractivité. Next Thing Co. publiait les schémas matériels et les codes sources, permettant à la communauté de contribuer au développement et d’adapter le système à ses besoins spécifiques. Cette transparence tranchait avec les approches propriétaires de nombreux concurrents et fédérait une base d’utilisateurs engagés, prêts à partager leurs créations et leurs découvertes.

La société basée à Oakland ne se contentait pas de proposer une simple carte nue. Le PocketC.H.I.P. incarnait une vision plus ambitieuse : transformer le C.H.I.P. en ordinateur portable complet. Ce périphérique ingénieux intégrait un écran tactile de 4,3 pouces, un clavier physique, des ports GPIO accessibles et une batterie assurant cinq heures d’autonomie. Le tout s’assemblait sans vis ni colle, le C.H.I.P. s’encliquetant simplement dans son boîtier. Cette approche modulaire séduisait particulièrement les amateurs de projets portables et les nostalgiques des premiers ordinateurs personnels.

Pourquoi la production du C.H.I.P. a pris tant de retard

Les premiers signaux d’alerte apparurent rapidement après la fin de la campagne de financement. Next Thing Co. avait prévu de commencer les expéditions au printemps 2016, mais les délais se révélèrent rapidement optimistes. La société envoya d’abord des exemplaires alpha aux contributeurs ayant opté pour le niveau de récompense « Kernel Hacker » dès septembre 2015, mais la production de masse se faisait attendre.

La complexité de fabrication d’un produit électronique à si bas coût créait des défis considérables. Maintenir une marge bénéficiaire tout en respectant le prix promis de 9 dollars nécessitait une optimisation extrême de chaque composant et de chaque étape de production. Next Thing Co. jonglait constamment entre qualité, coût et disponibilité des composants. Chaque variation de prix d’un élément, chaque changement de fournisseur, chaque ajustement technique impactait directement la viabilité économique du projet.

Les problèmes d’approvisionnement s’aggravèrent au fil des mois. Le processeur Allwinner R8 au cœur du C.H.I.P. original présentait des limitations qui poussèrent l’entreprise à développer sa propre version améliorée : le GR8. Cette évolution technique, si elle améliorait les performances, compliquait encore la chaîne logistique. Next Thing Co. se retrouvait désormais dépendante de sa propre capacité à produire ce composant critique, ajoutant une couche supplémentaire de complexité à une situation déjà tendue.

La communication avec les contributeurs oscillait entre optimisme forcé et transparence douloureuse. Les mises à jour régulières promettaient des livraisons imminentes qui ne se matérialisaient jamais selon le calendrier annoncé. Cette situation créait une frustration croissante au sein de la communauté. Certains contributeurs attendaient depuis des mois, voire plus d’un an, sans recevoir leur commande. Les forums officiels bruissaient de commentaires inquiets, de demandes de remboursement et de spéculations sur la santé réelle de l’entreprise.

Comment le C.H.I.P. Pro devait sauver la situation

Face aux difficultés rencontrées avec le C.H.I.P. original, Next Thing Co. changea de stratégie en lançant le C.H.I.P. Pro en avril 2017. Cette version professionnelle abandonnait le positionnement grand public pour cibler les fabricants et les développeurs de produits commerciaux. Le prix grimpait à 16 dollars, mais les spécifications évoluaient en conséquence.

Le C.H.I.P. Pro adoptait un format plus compact avec des bords castellés permettant de le souder directement sur une carte mère parente. Cette approche system-in-package simplifiait l’intégration dans des produits finis. Les connecteurs standards du C.H.I.P. original disparaissaient au profit d’une conception optimisée pour la production industrielle. Le processeur GR8 amélioré apportait une meilleure stabilité et des performances légèrement supérieures.

Next Thing Co. justifiait cette nouvelle orientation par la nécessité de stabiliser sa chaîne d’approvisionnement. Le marché professionnel offrait théoriquement des volumes plus prévisibles et des marges plus confortables que le segment amateur. Un kit de développement comprenant la carte d’extension I/O était proposé à 49 dollars pour faciliter le prototypage. L’entreprise espérait que les revenus générés par les ventes professionnelles financeraient la résolution des problèmes persistants du C.H.I.P. original.

Cette stratégie contraria une partie de la communauté. Les contributeurs initiaux qui attendaient toujours leur C.H.I.P. à 9 dollars voyaient l’entreprise investir ses ressources dans un nouveau produit plus cher au lieu de résoudre les problèmes de livraison existants. Cette perception d’abandon alimentait le ressentiment et sapait la confiance envers Next Thing Co. Les forums se remplissaient de messages accusant l’entreprise de trahir sa mission initiale de démocratisation de l’informatique.

Malgré ces critiques, le C.H.I.P. Pro présentait des qualités indéniables. Les développeurs qui parvenaient à mettre la main dessus appréciaient sa compacité et ses fonctionnalités intégrées. Plusieurs projets commerciaux commencèrent à l’utiliser, notamment le Voder, un assistant de tableau de bord automobile développé par Next Thing Co. elle-même. Cette diversification semblait prometteuse, mais elle arrivait trop tard pour inverser la trajectoire financière de l’entreprise.

Quels obstacles techniques ont freiné l’adoption du C.H.I.P.

Au-delà des problèmes logistiques, le C.H.I.P. souffrait de limitations techniques qui limitaient son adoption face à des concurrents mieux établis. L’alimentation électrique constituait l’un des points faibles majeurs. La carte se montrait particulièrement exigeante concernant la qualité du courant fourni via son port micro-USB. Des alimentations apparemment identiques produisaient des résultats variables, certaines fonctionnant parfaitement tandis que d’autres provoquaient des instabilités ou refusaient purement et simplement de démarrer le système.

Le stockage intégré posait également problème. Les 4 Go de mémoire NAND embarquée paraissaient généreuses sur le papier, mais la réalité se révélait moins réjouissante. Le système d’exploitation occupait déjà une part substantielle de cet espace, laissant peu de marge pour installer des applications ou stocker des données. De plus, la mémoire flash utilisée présentait des caractéristiques de durabilité limitées. Les cycles d’écriture répétés pouvaient entraîner une dégradation progressive et finalement une défaillance complète.

L’écosystème de périphériques peinait à se développer. Next Thing Co. proposait quelques modules d’extension appelés « DIP » pour étendre les capacités du C.H.I.P., notamment pour ajouter des sorties VGA ou HDMI. Cependant, comparé à la richesse des accessoires disponibles pour un Raspberry Pi, l’offre restait squelettique. Les makers qui voulaient intégrer le C.H.I.P. dans des projets complexes devaient souvent créer leurs propres solutions matérielles, ajoutant du temps et de la complexité.

La documentation technique oscillait entre excellence et lacunes frustrantes. Certains aspects du système bénéficiaient d’explications détaillées et de tutoriels bien conçus, tandis que d’autres fonctionnalités importantes restaient sous-documentées. Les développeurs devaient fouiller les forums, décortiquer le code source ou expérimenter par essais et erreurs pour comprendre certains comportements. Cette inconsistance dans la documentation ralentissait l’adoption et décourageait les utilisateurs moins expérimentés.

Comment la communauté s’est mobilisée malgré l’adversité

Face aux difficultés croissantes de Next Thing Co., la communauté d’utilisateurs du C.H.I.P. démontrait une résilience remarquable. Le forum officiel BBS hébergé par l’entreprise rassemblait plus de 10 000 membres inscrits, avec des centaines d’utilisateurs actifs échangeant quotidiennement des astuces, des solutions à des problèmes techniques et des projets créatifs. Cette effervescence témoignait d’un attachement réel au produit malgré ses imperfections.

Les utilisateurs développaient des méthodes alternatives pour flasher les cartes lorsque les outils officiels défaillaient. Le plugin Chrome fourni par Next Thing Co. pour installer le système d’exploitation sur les C.H.I.P. Pro se révélait capricieux et frustrant. Des membres de la communauté créèrent des procédures utilisant Vagrant et VirtualBox, contournant ainsi les limitations de l’outil officiel. Ces solutions artisanales nécessitaient certes plus d’efforts, mais elles fonctionnaient de manière plus fiable.

Les projets communautaires fleurissaient malgré les contraintes. Des utilisateurs transformaient leur C.H.I.P. en serveur d’impression réseau, en console de jeux rétro, en station météo connectée ou en contrôleur domotique. Le PocketC.H.I.P. inspirait particulièrement les créatifs : certains ajoutaient des impressions 3D pour améliorer l’ergonomie du clavier, d’autres développaient des jeux spécifiquement adaptés à ses contraintes. Un projet particulièrement audacieux, le Pockulus, transformait même le PocketC.H.I.P. en casque de réalité virtuelle rudimentaire.

Cette vitalité communautaire contrastait cruellement avec la déliquescence progressive de Next Thing Co. Les membres les plus engagés pressentaient la catastrophe imminente et commençaient à prendre des précautions. Des initiatives émergèrent pour archiver la documentation, les images système et les ressources hébergées sur les serveurs de l’entreprise. Ces efforts de préservation allaient se révéler cruciaux lorsque la situation bascula définitivement vers le désastre.

Pourquoi Next Thing Co. a fini par faire faillite

Mars 2018 marqua la fin brutale de l’aventure C.H.I.P. Next Thing Co. entra officiellement en liquidation judiciaire, fermant ses portes sans crier gare. Le site web disparut, la page Facebook devint silencieuse et les bureaux d’Oakland affichèrent le statut « fermé définitivement » sur Google Maps. Des centaines, voire des milliers de clients attendaient toujours des commandes passées des mois auparavant. Leurs espoirs de recevoir leur matériel s’évaporèrent instantanément.

Les raisons précises de la faillite restent partiellement opaques, mais plusieurs facteurs convergents expliquent cet effondrement. Le modèle économique du C.H.I.P. original à 9 dollars n’avait probablement jamais été véritablement viable. Plusieurs acteurs du secteur avaient exprimé leurs doutes dès le lancement concernant la possibilité de produire et de livrer un tel produit à ce prix tout en dégageant une marge suffisante. Ces sceptiques furent finalement validés par les faits.

La concurrence s’était intensifiée pendant que Next Thing Co. bataillait avec ses problèmes de production. Le Raspberry Pi Zero, lancé à 5 dollars, captait une large part du marché des ordinateurs miniatures ultra-abordables. Bien qu’il manquât initialement de connectivité sans fil, des versions améliorées comblèrent rapidement ce déficit. L’écosystème mature du Raspberry Pi, sa disponibilité immédiate et son support technique robuste en faisaient un choix beaucoup plus sûr pour la plupart des projets.

L’échec du C.H.I.P. Pro à générer des revenus suffisants acheva de plomber les finances de Next Thing Co. Le pivot vers le marché professionnel nécessitait du temps pour porter ses fruits, temps que l’entreprise n’avait manifestement plus. Les actifs et la propriété intellectuelle furent vendus lors de la liquidation, dispersant aux quatre vents les technologies développées péniblement pendant plusieurs années.

La colère et la déception déferlèrent sur les réseaux sociaux. Des contributeurs Kickstarter qui avaient soutenu le projet dès 2015 se retrouvaient les mains vides, ayant perdu leur argent sans recevoir de contrepartie. Certains avaient commandé plusieurs cartes ou des kits PocketC.H.I.P. complets, représentant des investissements de plusieurs centaines de dollars. Les recours légaux semblaient futiles face à une entreprise insolvable. Cette débâcle laissait un goût amer et renforçait le scepticisme envers les campagnes de financement participatif dans le domaine matériel.

Comment l’héritage open source du C.H.I.P. a permis sa survie partielle

Paradoxalement, la philosophie open source de Next Thing Co. permit au C.H.I.P. de survivre partiellement à la disparition de son créateur. Les schémas matériels et les codes sources hébergés sur GitHub restèrent accessibles après la faillite. Cette disponibilité permettait théoriquement à quiconque disposant des compétences et des moyens de reproduire les cartes ou d’en créer des variantes améliorées.

La communauté se mobilisa immédiatement pour préserver les ressources menacées de disparition. Des utilisateurs téléchargèrent massivement la documentation, les images système et les outils de développement avant que les serveurs de Next Thing Co. ne soient définitivement éteints. Ces archives furent réhébergées sur des sites indépendants et sur Internet Archive, garantissant leur disponibilité à long terme. Un wiki communautaire indépendant vit le jour, rassemblant les connaissances accumulées collectivement.

Des tentatives de résurrection commerciale émergèrent. Source Parts, une entreprise spécialisée dans les composants électroniques, acquit des stocks de puces GR8 provenant de Next Thing Co. et développa une carte compatible baptisée Original Popcorn. Lancée sur Kickstarter, cette initiative promettait une compatibilité totale avec le C.H.I.P. Pro, permettant aux utilisateurs existants de se procurer du matériel de remplacement ou d’extension. Le projet incluait également des variantes plus puissantes, les Super Popcorn et Super 8 Popcorn, équipées de processeurs multicœurs plus modernes.

Ces efforts de continuation se heurtèrent cependant à la réalité du marché. Le secteur des ordinateurs monocartes avait considérablement évolué depuis le lancement initial du C.H.I.P. en 2015. Les prix avaient baissé, les performances avaient progressé, et l’écosystème des alternatives s’était étoffé. Un clone du C.H.I.P. Pro vendu au même prix qu’un Raspberry Pi moderne peinait à trouver sa place. L’absence de la sauce spéciale qui avait fait le succès initial – le prix ultra-agressif – rendait ces successeurs moins convaincants.

Quelles leçons tirer de l’aventure du C.H.I.P.

L’histoire du C.H.I.P. offre des enseignements précieux pour quiconque s’intéresse au financement participatif de matériel électronique. Le premier constat porte sur la difficulté extrême de produire du matériel physique à bas coût. Contrairement au logiciel qui se duplique gratuitement, chaque unité matérielle engendre des coûts réels de composants, d’assemblage, de test et de livraison. Comprimer ces coûts jusqu’à l’extrême limite crée une fragilité structurelle où la moindre perturbation peut faire basculer l’ensemble du projet dans le rouge.

La chaîne d’approvisionnement représente un facteur critique souvent sous-estimé. Dépendre d’un composant spécifique produit par un seul fournisseur crée un point de défaillance unique. Les variations de prix, les ruptures de stock ou les changements de spécifications peuvent anéantir instantanément la rentabilité d’un produit. Les entreprises établies disposent du volume et des relations pour négocier des contrats stables ; les startups comme Next Thing Co. subissent les aléas du marché sans protection.

La communication transparente avec les contributeurs et clients constitue un impératif éthique autant que stratégique. Next Thing Co. maintint longtemps un discours optimiste alors que la situation se dégradait inexorablement. Cette posture créa des attentes irréalistes et amplifica la déception finale. Une communication plus honnête sur les difficultés rencontrées aurait peut-être permis à certains contributeurs de demander un remboursement avant qu’il ne soit trop tard, même si cela aurait accéléré la crise de trésorerie.

L’écosystème logiciel et matériel compte autant que les spécifications techniques. Le C.H.I.P. proposait sur le papier des caractéristiques comparables ou supérieures à ses concurrents, mais il manquait l’écosystème mature qui facilite l’adoption. Les tutoriels abondants, les accessoires variés, les distributions Linux optimisées et la communauté active qui caractérisent le Raspberry Pi représentent une valeur considérable que les spécifications brutes ne capturent pas.

Comment le marché des ordinateurs monocartes a évolué

L’époque du C.H.I.P. coïncidait avec une phase de maturation du marché des ordinateurs monocartes. Le Raspberry Pi dominait déjà largement ce secteur, mais de nombreux acteurs tentaient leur chance avec des approches différenciées. Certains visaient la puissance brute, d’autres la compacité extrême, d’autres encore la consommation minimale. Le C.H.I.P. pariait sur le prix ultra-bas comme facteur de différenciation majeur.

Cette stratégie prix se révéla finalement moins déterminante qu’anticipé. Les utilisateurs acceptaient volontiers de payer quelques dollars supplémentaires pour obtenir un produit immédiatement disponible, bien documenté et supporté par une entreprise pérenne. La différence entre 9 et 15 dollars paraît significative en pourcentage, mais reste modeste en valeur absolue pour la plupart des projets. Les coûts indirects – temps passé à résoudre des problèmes de compatibilité, difficulté à trouver des accessoires adaptés, risque de voir le support disparaître – pesaient finalement plus lourd dans la balance.

Le marché se consolida progressivement autour de quelques acteurs dominants. Raspberry Pi renforça sa position avec des versions successives améliorant continuellement les performances tout en maintenant la compatibilité. Arduino restait incontournable pour les projets nécessitant un contrôle temps réel précis. Les Beaglebone ciblaient les applications industrielles exigeant robustesse et fiabilité. Les niches s’amenuisaient pour les nouveaux entrants, sauf à apporter une innovation véritablement disruptive.

L’émergence des ESP32 et ESP8266 modifia la donne pour les applications IoT. Ces microcontrôleurs ultra-compacts et ultra-économiques, intégrant connectivité WiFi et Bluetooth, grignotèrent le bas du marché où le C.H.I.P. espérait prospérer. Pour quelques dollars, un développeur obtenait suffisamment de puissance de calcul pour des capteurs connectés ou des automatisations simples, sans la complexité d’un système Linux complet.

Pourquoi certains utilisateurs restent attachés au C.H.I.P.

Malgré la faillite de Next Thing Co. et les alternatives modernes plus performantes, une communauté d’irréductibles continue d’utiliser et d’apprécier leurs C.H.I.P. Ces utilisateurs mettent en avant des caractéristiques spécifiques que les concurrents ne reproduisent pas exactement. La gestion intégrée de batterie lithium-ion, par exemple, simplifie considérablement les projets portables. Brancher directement une batterie LiPo sans circuit de charge externe représente un avantage pratique réel.

Le format compact du C.H.I.P. original séduisait également pour certaines applications. Ses dimensions réduites et la disposition de ses connecteurs facilitaient l’intégration dans des boîtiers exigus où un Raspberry Pi standard peinait à se loger. Les projets nécessitant cette compacité tout en conservant la puissance d’un système Linux complet trouvaient difficilement équivalent sur le marché.

Le PocketC.H.I.P. conserve un charme unique difficile à reproduire. Son esthétique rétro-futuriste, son clavier physique et son écran intégré en font un objet attachant qui transcende la simple fonctionnalité. Plusieurs utilisateurs le décrivent avec affection, mentionnant le plaisir tactile d’utiliser ce petit ordinateur autonome. Certains l’ont transformé en terminal portable pour accéder à des serveurs distants, en console de rétrogaming nomade ou en outil d’apprentissage de la programmation pour enfants.

Les exemplaires survivants du C.H.I.P. prennent progressivement de la valeur sur le marché de l’occasion. Sur eBay et d’autres plateformes, les C.H.I.P. neufs ou peu utilisés se vendent désormais bien au-delà de leur prix d’origine. Les PocketC.H.I.P. en particulier atteignent des cotes surprenantes, leur rareté croissante alimentant une demande de collectionneurs et de nostalgiques. Cette appréciation posthume constitue une ironie cruelle : le produit connaît le succès commercial qu’il méritait, mais trop tard pour sauver son créateur.

Que réserve l’avenir pour les ordinateurs ultra-abordables

Le segment des ordinateurs monocartes ultra-abordables continue d’évoluer, même si l’approche du C.H.I.P. a échoué. Les fabricants établis comprennent l’importance de ce marché et proposent des solutions toujours plus accessibles. Le Raspberry Pi Pico, lancé à 4 dollars, cible les applications embarquées simples avec une consommation minimale. D’autres acteurs, principalement chinois, produisent des cartes Linux complètes pour une dizaine de dollars, bénéficiant de chaînes d’approvisionnement optimisées.

L’intelligence artificielle et l’apprentissage machine créent de nouveaux besoins pour des ordinateurs monocartes spécialisés. Des cartes intégrant des accélérateurs neuronaux permettent d’exécuter localement des modèles de reconnaissance d’image ou de traitement du langage. Cette spécialisation ouvre des niches où performance et efficacité énergétique priment sur le coût brut, justifiant des prix plus élevés que les 9 dollars mythiques du C.H.I.P.

La tendance vers l’informatique en périphérie, ou edge computing, favorise le développement de solutions compactes et autonomes. Les applications industrielles, la domotique avancée et l’Internet des objets nécessitent des ordinateurs capables de fonctionner de manière fiable pendant des années sans maintenance. Ces exigences orientent le marché vers la robustesse et la longévité plutôt que vers le prix plancher.

Les plateformes de formation à Itamde et ailleurs s’adaptent à ce paysage évolutif. Les cours de programmation embarquée doivent désormais couvrir une variété de matériels plutôt que de se focaliser sur une plateforme unique. Cette diversité enrichit l’apprentissage mais complique la standardisation. Les étudiants découvrent que chaque carte présente ses spécificités, ses forces et ses limites, préparant mieux à la réalité du développement professionnel.

Le C.H.I.P. aura finalement marqué son époque comme un avertissement salutaire autant qu’une innovation audacieuse. Son histoire rappelle que les promesses technologiques doivent s’ancrer dans des réalités économiques et logistiques solides. L’enthousiasme communautaire, aussi sincère soit-il, ne suffit pas à compenser des fondations commerciales fragiles. Les contributeurs lésés conservent un souvenir amer, mais la leçon profite à l’ensemble de l’écosystème maker. Les projets ultérieurs affichent désormais plus de transparence sur leurs défis, des calendriers plus réalistes et une conscience accrue des pièges qui ont coulé Next Thing Co.

L’héritage open source du C.H.I.P. garantit toutefois que les innovations développées ne sont pas totalement perdues. Les solutions techniques imaginées pour ce projet continuent d’inspirer de nouvelles créations. Les archives communautaires préservent le savoir accumulé, permettant aux curieux d’apprendre de cette expérience même des années après la faillite. Dans cette perspective, le C.H.I.P. transcende son échec commercial pour devenir une étude de cas fascinante sur les promesses et les périls de l’innovation matérielle participative.

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